lundi 21 avril 2014

Fleuve dont nul ne sait rien, toute image emportée, gravité des feuillages qui invitent à respirer, tu te tiens là ! La folie ne viendra pas. Parole, or qui s'envole, ne va pas trop loin ! Es-tu là ? Tu appelles et c'est seulement un regard, un voile à écarter, liberté de l'eau, enfant emporté par les reflets !  Tu le sais, tu le pressens, affleurement du dénuement. Rien, l'ombre du corbeau reste en ta mémoire, pendant qu'il continue son vol, toute douleur ignorée !

Parle au jour ! la nuit est aux aguets ! On ne lit pas la cruauté dans les yeux verts du chat. Un homme prépare son rêve tout en roulant sa cigarette. Personne ne saura ce qu'il a sur le cœur !
Personne ne saura tes mots de sable ! Personne ne t'accompagnera dans le passage solitaire de la buse qui tremble à couvert ! Des étoiles blanches brûlent encore sous les ronces !

Qui te rendra ton trésor ? Quel arbre se déracinera pour que ton corps devienne vert de printemps ? "Reviens, reviens !" dit un nuage en pleurant. Tu es aveugle à son cri. Des murs viennent à ta rencontre, alors que tu cherches l'espace entre les grillages des jardins perdus.

Tu portes une pierre à la place d'un enfant. Peut-on enfanter la neige et la glace ? Quand il sera temps, laisseras-tu passer un papillon diaphane ? Verra-t-on ton visage qui revient de plus loin encore ?  La paix aura-t-elle la fraîcheur des lèvres véritables ?


dimanche 13 avril 2014

Tu veux décrire cette lumière légère, incroyable merveille de voir, de goûter ce miracle de voir, lumière, légère lumière sur les visages et au plus haut des arbres, jeunes feuilles dont on distingue les nervures toutes irradiées, lumière du soleil ! Et toi, par où donc as-tu eu la possibilité de voir ? 

Tu ouvres les yeux et c'est comme si cette jeune lumière te traversait, lumière sur les pétales blancs du cerisier qui voyagent au gré du vent, lumière sur le noir luisant de l'aile du corbeau. Tu la vois, tu la goûtes cette jeune lumière en forme de losange sur la couverture orange posée négligemment sur le sol de la chambre. Lumière qui se pose là, silencieuse, par où la contemples-tu ? Quelle lumière t'est donc donnée là ? Et même quand tu fermes les yeux, dansent des points d'or dans ton absence de vision, lumière légère sur les lilas mauves en éclosion, sans ton regard que deviendrait-elle ?

Tu vois, tu aimes cette lumière toute vive du printemps. Tu pourrais aussi bien être aveugle, il y aurait encore cette chaleur sur l'écorce, cet éclaircissement quand tu lèves la tête vers le ciel. Pourquoi existe-t-il tout de même des ténèbres ? 
Ne plus rien voir, tomber dans le noir, être aveugle comme un aveugle ne le sera jamais, est-ce possible ? Ne fais-tu que voir lorsque par chance tu ouvres les yeux , Par quelle lumière vois-tu la lumière ? 

Tant de questions qui vont loin, cherchent le tréfonds de ton être !

Tu ne veux plus mentir, même une seconde. Tu veux qu'elle passe cette lumière. Tu veux devenir son amant. Tu comprends le temps d'arrêt de la palombe à la pointe du sapin, quand vient le crépuscule. Elle s'immerge encore dans les derniers rayons du soleil couchant, comme si elle se nourrissait de lumière jusqu'à la dernière limite. Et tu sais, toi, ce dont tu as vraiment besoin. Tu ne veux pas que la fenêtre se referme. Tu ne veux pas de cet appel qui te ment, qui te fait croire que tes yeux sont simplement des yeux et qu'ils se fermeront définitivement. 

Non, tu vois la lumière par une autre lumière qui t'attend !




mardi 8 avril 2014

Fragile ta voix, fragile, si prêt parfois de perdre le fil, fragile au point de tout poser là, de ne plus rien voir et de s'endormir, sans réveil possible ! Fragile ta voix qui ne comprends pas pourquoi elle est au bord de l'épuisement. Que chanter aujourd'hui ? Que chantera ta voix qui a déjà chanté mille fois le printemps, mille fois l'enfance qui ne reviendra pas ! Que chanter pour que recule l'absence et la mort ? Tu te forces à faire un pas, puis un autre, dans une sorte de déchirement. Tu continues presque comme un somnambule. C'est comme un écrasement, une roue dentée qui s'approche, inexorable et violente. Seras-tu laminé ? Ou réduit en poussières jetées aux quatre vents . C'est un étau si puissant qui ne veut pas se relâcher. 

Mais tant que tu chantes, il n'arrive pas à éteindre la flamme ou la braise qui toujours repartent. Tu chantes, mais qui comprend ta voix, puisque ton chant, c'est seulement toi, emporté par une eau sombre et glaciale. Pour ne pas être englouti, tu accroches ton regard à une étoile, la tête hors de l'eau, et malgré le courant, tu laisse ton cœur crier, confiant d'atteindre un jour une rive plus paisible !

Tu ne te tairas pas. Tu ne deviendras pas muet. On ne te mènera pas à l'abattoir. Tes mots ne deviendront pas de la cendre froide. Tu ne mangeras pas le sable qui empêche de danser. Tu ne boiras pas la liqueur sirupeuse qui transforme ton rire en ricanement. 

Mais tu ne sais pas où tu trouveras ce courage? Peut-être sera-ce à l'écoute d'une autre voix, d'un autre chant qui viendra à toi au détour d'une rue par une fenêtre ouverte ? Peut-être sera-ce un oiseau perdu dans un feuillage de lumière et qui exulte en deux notes claires comme du cristal ? Peut-être cela viendra-t-il comme on est surpris par la beauté d'un nuage, la fraîcheur d'un geste . Peut-être sera-ce aussi rapide qu'une étoile filante, et tu sauras que cette victoire n'est pas la tienne, qu'elle vient de plus loin, de profondeurs que tu ne soupçonnes pas et qui te portent au moment où tu n'en peux plus !

dimanche 6 avril 2014

Qui es-tu dans ce printemps qui partout exhale ses senteurs dont celle si douce du seringua ? Les arbres de la colline accrochent à nouveau la lumière par la tendresse verte de leurs jeunes feuilles. La blancheur des cerisiers repousse au loin le poitrail noir des merles ! 

Et toi, qui es-tu avec ta respiration incertaine, ton corps qui prend racine sur ta chaise d'osier, ton regard qui sonde au loin le paysage immobile ? Qui es-tu quand les mots deviennent des bulles et éclatent sans laisser de traces pendant que le livre se referme et retourne dormir près de ses frères ? Qui es-tu ?

N'y aurait-il donc plus qu'à recevoir puisque tu ne peux répondre, entouré de toutes parts par la densité d'un silence qui accroît le mystère. Qui es-tu, toi qui pose cette question au chat qui, sur la terrasse se prélasse au soleil ? Et pourquoi cette question qui te hante et à laquelle répondent ceux qui pensent se connaître ?

Qui es-tu ? Tu n'as plus qu'à fermer les yeux, à ne pas tricher, à laisser résonner ces trois mots, à te laisser étreindre par eux, comme s'ils pouvaient t'aider à rejoindre une respiration, qui ne serait pas la tienne. N'y a-t-il pas quelque chose en toi qui vacille ?

Quelle est cette noblesse que tu ne soupçonnais pas ? Qui es-tu quand tout en toi s'est tu ? Es-tu devenu simple capacité à recevoir l'inconnu qui te donne d'être en vérité ce que tu es ? As-tu renoncé à toutes les images de toi-même qui s'accrochent à ta mémoire ?

Va, vis, quitte cette terre trop familière de miroirs qui ne reflètent qu'un visage prêt à tomber en poussière ! Tu n'es pas cela ! Passe par la gloire de l'arbre qui est devenu fontaine de fleurs ! Passe par la royauté du nuage sans passeport ! Passe par la grâce du myosotis dont les pétales turquoise valent les plus belles paroles ! 

Va, lève-toi ! Embrasse la terre de ton jardin, égrène-la entre tes mains, comme si elle était ton seul trésor ! Passe par le cri de la buse qui attend un souffle pour déployer ses ailes semblables aux tiennes, et cette question "Qui es-tu ? " saura ouvrir ton ciel !