jeudi 31 octobre 2013

Tu vois les arbres qui se dépouillent lentement sur la colline blanchie de brumes. Le hêtre pourpre fièrement semble résister au vent. Pieds que tu laisses traîner dans les feuilles sèches, mains dans les poches, tu penses qu'une année est vite passée ! Tu rentres aussi à ta manière dans l'automne, et il prend une douceur particulière. Toutes les histoires que tu t'es raconté, qu'étaient-elles vraiment ? En levant les yeux, tu as l'impression d'être un arbre qui contemple ses propres feuilles mortes emportées par le vent ! Une feuille rouge qui a la couleur d'une braise ardente, une feuille jaune comme de l'or qui ne brille plus, une feuille brune sans attrait qui se confond avec la terre, toutes ces feuilles, toutes ces histoires qui viennent mourir à tes racines bientôt pourriront recouvertes de neige. Et tu resteras là, branches nues offertes au givre, parure éphémère que dépose comme en rêve la nuit. La vigne sur le mur se dénude elle aussi. Quelques cosmos égarés près des roses fanées oscillent dans le jardin qui met son manteau du soir.Tu ne saurais pas expliquer pourquoi, mais dans cette abîme, dans cette perte,, demeure une note de musique qui sans fin se prolonge. Cette note va bien avec le soir qui obscurcit la fenêtre. C'est comme si soudain tu étais un peu plus près de toi-même. C'est comme si tu accueillais une vie que tu n'avais encore jamais pressentie, une vie d'une simplicité inouïe, celle que l'on surprend parfois dans les perles noires des yeux d'un merle effarouché, une vie douce et tranquille où le fond de toi-même vient enfin au jour, une vie qui n'a plus les dimensions que tu te donnes par peur de disparaître. Peut-être fallait-il passer par cet effondrement, la ruine d'une image incertaine pour comprendre un autre langage ? La mort cherchait à graver en toi son dernier mot. mais elle ne comprenait pas qu'elle t'ouvrait un passage. Au cœur de ta faiblesse, de ton impuissance venait lentement au monde un enfant que tu accompagnes maintenant, un enfant à qui tu donnes la main, et non le contraire, un enfant qui ne complique rien, qui est relié encore et de manière très secrète aux sources de confiance où subsiste le monde, un enfant que tu ne vois pas, que tu ne verras peut-être jamais, mais qui te donne un regard qui ne sera plus trompé par l'apparence ! Et si tu fermes les yeux de temps en temps, tu demeures au bord de la rivière née de nulle part et qui ne retourne pas à la mer. Elle chante avec toi ! Elle emmène des étoiles plus loin qui ensemenceront d'autres cœurs !


jeudi 24 octobre 2013

Tout s'apaise là où tu travailles. Dans le lointain, en bruit de fond tu entends la circulation par la fenêtre ouverte ! Et tu penses soudain à ce matin où marchant dans une douceur inhabituel, tu as vu passé au loin sur une route un chat noir, et peu après un oiseau sans un cri. Ce passage soudain était rempli d'un silence inhabituel comme si ces animaux venaient te révéler un secret que beaucoup d'humain ignorent. Une vie simple, pure, sans pensées, sans tourments nous entoure. Même les arbres ont un langage silencieux et c'est parce que nous sommes sourds que nous ne percevons pas le soupir des feuilles qui se colorent avant de mourir ! Pourquoi s'est rompue cette connivence avec ceux qui sont privés d'un vocabulaire distinct. Dernièrement le datura qui est dans ton jardin semblait bien malade. Ses larges feuilles jaunissaient. Tu as eu l'idée de le transplanter dans un pot plus large. Tu lui as apporté un peu de terre nouvelle. Tu lui as parlé, caressé ses feuilles avec un peu d'argile ! Et hier, surprise ! Tu t'es aperçu que pour la première fois depuis deux ans apparaissait une fleur ! Oui une vie silencieuse nous entoure, une vie étrange, et plus profondément peut-être d'autres univers que nous ne percevons plus, tellement nous sommes préoccupés de nous-même, tellement nous sommes happés par l'agitation et le bruit !



                                                        Fleur de Datura


                              

jeudi 17 octobre 2013

J'ai vu une petite chenille brune et noire sur le trottoir, tout-à-l 'heure. Elle ne bougeait plus beaucoup. Sans doute allait-t-elle mourir là ? Une chenille en octobre, c'est bien la première fois ! Une chenille pour un papillon de Noël avec deux belles ailes blanches  qui auraient enchanté les enfants ! Mais ce papillon est un rêve, comme beaucoup d'autres rêves qui jamais n'aboutiront ! C'est ainsi que se passe ta vie, de rêves en rêves souvent inachevés , toujours violemment interrompus par autrui. Tu te revois lisant, enfant, sur ton lit au montant de skaï noir sur lequel tu posais ta tête, avec un livre d'aventures en main : Dylan Stark, Langelot, Arsène Lupin, les Aventures extraordinaires de Jules Verne. Souvent un adulte rentrait dans la pièce : "Arrête donc de rêver, regarde comme il fait beau dehors ! Tu ne peux pas aller jouer dans le jardin" Mais toi, tu étais bien dans ton rêve et tu avais bien du mal à comprendre ces brutales intrusions ! A quoi voulais-tu donc échapper ? Peut-être avais-tu compris très tôt que beaucoup d'adultes jouaient à être sérieux et importants, car dans le fond ils étaient tristes et malheureux ! Derrière leur regard parfois sévère, tu voyais bien qu'ils avaient perdu le goût véritable de vivre, l'émerveillement de chaque instant ! Et maintenant quel rêve te reste-t-il ? Tu croises tant de visages tristes ou prisonniers de ce qu'ils croient intenses et qui n'est qu'un écran de fumée ! Et puis il y a tous ces visages que tu aimes, où tu pressens encore l'enfant toujours vivant, une certaine tendresse, une blessure, une fragilité. Le masque n'a pas tout envahi ! Il n'y arrive pas. Quelque chose affleure, une compréhension intime de la vie qui ne passe pas par les apparences et les mots, une souffrance secrète surmontée, une douceur qui imprègne tout, le regard, les gestes, la marche ! Oui, tu sais tout de suite à qui tu as affaire ! Le corps, les yeux ne trompent pas !
Finalement cette petite chenille avait sans doute un message à délivrer ! Un jour quelqu'un t'a traité de larve ! Cela a été très dur à vivre, et tu ne t'en ai jamais remis vraiment ! Mais tu n'en veux plus à cette personne, car, peut-être sans le savoir, elle t'a engagé sur le chemin de la métamorphose. Et tu sais qu'un jour, tu deviendras un papillon de noël qui poursuivra sans fin son rêve !

lundi 14 octobre 2013

Tu as passé deux jours avec d'autres pour travailler le manque, l'impuissance face à certaines réalités qui nous dépassent, face à certains univers qui nous demeurent étrangers, face à certains délires qui nous font entrevoir d'autres mondes, d'autres logiques. Et au bout du compte, tu t'es rendu compte de ta prétention et qu'il fallait d'abord travailler sur la présence à toi-même, sur ton authenticité. On ne sort pas indemne de la rencontre avec ce qui nous est différent. Toujours tu cherches à te rassurer avec du "même"  : les mêmes goûts, les mêmes attitudes, les mêmes valeurs ! Quel risque prends-tu ?  Or si souvent nous rejetons l'"autre" sous toutes ses formes, c'est que nous trouvons notre assurance non dans les profondeurs de notre être, mais dans le miroir de ce que nous croyons être ! Tous ces "même" qui nous rassurent et qui peu à peu nous entourent d'une carapace où nous nous croyons définitivement à l'abri ! Mais la vie n'est pas un abri, la vie est un grand risque, un élan où il est nécessaire de ne pas  se figer sur une forme transitoire. Tu es en perpétuelle métamorphose ! Oui, tu ne sais pas, tu ne sauras jamais. Il te faut recommencer chaque matin avec cette seule boussole : ton chemin doit avoir du coeur !


mardi 8 octobre 2013

Tu passes tous les jours devant un magnifique rosier de roses roses. C'est un peu répétitif rose rose, mais elles sont d'un rose presque céleste. C'est drôle on associe toujours l'adjectif céleste a du bleu. Eh, bien là, c'est un rose céleste qu'un peintre aurait bien du mal à rendre. Enfin c'était, parce que qu'après la pluie du week-end, certaines roses ont attrapé de légères taches brunes au bord des pétales ! Tu as rêvé que tu effeuillais quelques roses pour obtenir des dizaines de pétales que tu aurais jeté en l'air dans le grand hall de la bibliothèque pour amener un peu de folie ! Tu as simplement rêvé, car tu ne le feras pas ! Mais pour revenir à ses roses roses, tu n'oublie pas de les regarder. Tu sais qu'elles vont disparaître. Malgré la douceur de l'air, tu sentais bien tout à l'heure, en passant devant elles qu'on s'enfonçait dans l'automne. C'était une sorte de douceur trop fraîche mêlée d'odeurs de feuilles sèches et de brouillard à venir, une lente enfoncée vers l'hiver et ses nuits qui se prolongent !
Peut-être qu'à force de les regarder, ces fleurs resteront dans ton subconscient comme une lumière rose qui t'aidera pour gagner les rives du printemps !


dimanche 6 octobre 2013

Quand tes yeux s'ouvrent, et que tu vois réellement, quand tu as abandonné toutes tes histoires, tous tes rêves, que vois-tu ? Dans cette nudité qui se rapproche presque de la nudité absolue, et qu'il ne te reste rien que ce réel qui te saute aux yeux, ton réel, le tien, dans toute sa vérité, quand le masque tombe, que tu n'es rien sans vérité et sans partage, que vois tu ? Quand tu ne parais plus, ne brille plus, ne joue plus de rôle dans ce théâtre où tu croyais être bon acteur, mais que tu es simplement heureux d'être si pauvre, si démuni, quand le vent emporte les dernières feuilles de ton arbre, et que tu ne peux plus cacher ses branches tordues qui crient vers le ciel, quand tu découvres la haine que tu te portes, que tu ne veux plus de ce jugement, amoureux seulement d'un espace où tu t'aimes toi-même, que vois-tu ? Quand ceux que tu aimes sont toujours ceux qui t'aime, ceux que tu as aimé te jettent à l'abîme, et ceux qui t'ont aimé ne t'aimeront plus jamais dans l'oubli de leurs promesses, que vois-tu ? Quand l'hiver approche, que la neige bientôt recouvrira les dernières traces de pas sur des chemins perdus, quand le vent a trouvé un passage dans la muraille de la peur et du refus, que tu te pardonnes d'être ce que tu es, de n'avoir pas su, de n'avoir pas pu, de n'avoir pas vu, quand le coeur brisé tu te découvres un coeur plus large qui porte toutes tes blessures, toutes tes amertumes et quand en cet instant tu n'es rien d'autre que ta vérité, que vois-tu ? Un homme, une femme qui marchent vers leur âme, n'abandonneront jamais !

jeudi 3 octobre 2013

Par la fenêtre de la bibliothèque , tu aperçois les arbres qui se transforment avec l'arrivée de l'automne : un cerisier parsemé de feuilles rouges, un ginko biloba tacheté d'or. Encore beaucoup de bruits de pas dans le hall, de voix qui montent et puis qui s'éteignent. Tu te détaches de tout cela, tu t'en vas ! C'est un drôle de chemin que tu prends, un chemin de silence. Les ombres et les rêves disparaissent, et tu marches intérieurement là où il n'y a plus rien, comme s'il te fallait récapituler quelque chose, comme s'il fallait que s'évanouissent  à tout jamais les fantômes qui te hantent, même si depuis longtemps déjà tu sais qu'ils n'ont aucune réalité ! Tu as soif de réel, un réel qui te donnerait cette paix que tu cherches tant ! Et tu sais que ce réel passe par la vérité d'un partage où enfin l'on peut croiser quelqu'un comme deux oiseaux se croisent dans l'immensité de l'espace avec ivresse. Tu supportes mal ces rencontres de façade où chacun garde son secret, son mystère. Est-on venu sur terre seulement pour fonctionner ? Quelle est cette angoisse de la réussite que tu découvres sur tant de visages ? Quelle est cette marche forcée pour être un simple rouage dans une course folle qui détruit peu à peu notre humanité? Tu as besoin de temps, tu as besoin de lenteur, tu as besoin de douceur entre les êtres, de visages détendus, de vérité et d'étoiles dans le regard ! Tu as besoin de te retrouver, de quitter l'étourdissement universel, d'être passeur d'un mystère qui cherche sa demeure en chacun, pour venir s'y reposer !

mardi 1 octobre 2013

Un bon mot d'enfant sur le chemin du retour. Une personne âgée était en train de laver sa voiture. Une petite fille , les cheveux ébouriffés, juste à côté, se tourne vers sa maman et lui dit de sa petite voix fluette : "Regarde, maman, comme il est mignon le pépé ! Et toutes les deux se mettent à rire doucement ! C'est vrai qu'il était mignon ce "pépé", avec son pantalon trop large retenu par deux bretelles. Il lavait avec application la carrosserie de sa voiture. Il avait l'air débonnaire, paisible ! Il regardait avec douceur les enfants qui passaient devant lui racontant à leurs parents leur journée de classe. Il avait un regard tranquille, presque lavé de tout souci, un peu détaché, comme s'il était là mais autrement que cette marée de vie et de cris qui s’écoulait à ses côtés ! A la maison j'ai pensé à tout ce qui nous agite, nous rend fiévreux, et je revoyais le visage de ce vieux monsieur et il semblait me dire : "Doucement, ne t'inquiète pas, "rien n'est calme comme de vivre" !